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Troubles bipolaires : l'inflammation, une fausse piste pour expliquer le brouillard cognitif ?

Mis en ligne le 03 décembre 2025

Une vaste étude française révèle l’absence de lien entre inflammation mesurée dans le sang et difficultés cognitives dans les troubles bipolaires, apportant de nouveaux arguments contre cette hypothèse. Une avancée dans la recherche pour la psychiatrie et la santé mentale.

Un « brouillard cognitif » longtemps attribué à l’inflammation

Les troubles psychiatriques, dont les troubles bipolaires, sont souvent associés à un brouillard cognitif qui se traduit notamment par : 

  • mémoire altérée, 
  • attention fragile, 
  • vitesse de traitement réduite.

Parfois, ces difficultés persistent même en dehors des phases aiguës de la maladie et affectent la qualité de vie. Depuis plusieurs années, la littérature scientifique explore l’hypothèse d’une inflammation chronique comme origine de ces difficultés. 

Le cas des personnes bipolaires

Les personnes atteintes de troubles bipolaires présentent souvent des marqueurs d'inflammation dans le sang. Cette inflammation pourrait affecter des régions cérébrales clés impliquées dans les fonctions cognitives. Mais une étude française à large échelle, menée au sein des Centres Experts FondaMental, va à l’encontre de cette hypothèse.

Une large cohorte : 1 565 patients, aucun lien observé

Les chercheurs ont analysé les marqueurs inflammatoires les plus courants, comme la protéine C-réactive (CRP), chez 1 565 personnes vivant avec des troubles bipolaires. Ils ont comparé ces données à des scores issus d’une batterie complète de tests cognitifs.
Résultat : aucune association entre inflammation périphérique et cognition.
Cette conclusion a été confirmée dans un second volet sur 249 participants, intégrant cette fois d’autres marqueurs inflammatoires (l’IL-6 et le TNF-α). Là encore, aucune association n'a été observée.

Une méthode qui permet… 

Les méthodes statistiques classiques permettent de détecter un lien entre deux mesures (s’il existe). Cependant, elles ne permettent pas de conclure à son absence. En effet, il est possible que l’étude n’inclue pas assez d’individus, ou qu’il y ait trop peu d’informations par individu.
La présente recherche utilise une double approche :

  1. L'analyse en réseau examine simultanément toutes les mesures (inflammation, cognition, âge...) pour identifier les liens entre elles. 
  2. La méthode bayésienne permet d’estimer le niveau de certitude que ce lien existe ou non.

… de conclure à l'absence de lien 

Le résultat dans cette étude est clair : les mesures cognitives et inflammatoires n’apparaissent pas liées. Mais l'étude ne prouve pas seulement une absence d'association. Elle fournit des preuves solides que ce lien est très improbable. En effet ; en science, ce type de conclusion est précieux car il permet de savoir où focaliser ces efforts (abandonner certaines pistes pour se concentrer sur d’autres). 

Une absence de lien qui ouvre de nouvelles pistes

Ces résultats ne ferment pas le dossier de l'inflammation dans les troubles bipolaires. Ils réorientent la recherche vers des questions plus pertinentes :

  • Les marqueurs sanguins n’informeraient pas directement sur l’inflammation centrale. L’avenir des études pourrait passer par des biomarqueurs spécifiques du système nerveux (explorer l’inflammation directement dans le cerveau).
  • L’étude est transversale. Pour comprendre la dynamique entre inflammation et cognition, il faudra des études longitudinales, capables de suivre l’évolution sur plusieurs années (suivre les patients dans le temps).
  • Les troubles bipolaires sont hétérogènes. Un lien inflammation-cognition pourrait exister chez certains profils seulement, masqué dans une grande cohorte (Identifier des sous-groupes spécifiques).

Ces résultats apportent une clarification essentielle : l’inflammation n’explique pas le brouillard cognitif associé au trouble bipolaire. Loin de freiner les recherches, cette conclusion invite à chercher ailleurs, avec des biomarqueurs plus spécifiques et des designs plus adaptés.

Retrouvez l’intégralité de la publication scientifique  

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