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Réflexions sur l’incarcération des mineurs

Cyrille CANETTI - psychiatre au SMPR du centre de jeunes détenus de Fleury-Mérogis
Isabelle ROUSTANG - médecin à l'UCSA du centre de jeunes détenus de Fleury-Mérogis

Année de publication : 2001

Type de ressources : Rhizome - Thématique : Psychiatrie, SCIENCES MEDICALES, TRAVAIL SOCIAL

Télécharger l'article en PDFRhizome n°6 – Jeunesse, le devoir d’avenir (Octobre 2001)

Le quartier mineur du centre de jeunes détenus de Fleury-Mérogis accueille des adolescents de 13 à 18 ans. Ceux de 13 à 16 ans y sont pour des procédures criminelles, les autres pour des procédures qui peuvent être correctionnelles ou criminelles. La très grande majorité y est placée en détention provisoire, c’est à dire avant jugement et pour des périodes qui sont le plus souvent d’un à deux mois. En dehors de ceux qui y sont pour un acte unique et grave la quasi totalité d’entre eux ont un parcours fait d’antécédents judiciaires, de prises en charge multiples (juge des enfants, éducateurs de l’aide sociale à l’enfance, de la protection judiciaire de la jeunesse…). Ils sont pratiquement toujours passés par différentes institutions telles que les centres de placement immédiat, les unités éducatives à encadrement renforcé ou autres foyers d’accueil. Lorsqu’ils sont placés en détention, c’est le plus souvent par un juge à court de solution qui voit dans cet ultime recours la possibilité de marquer d’abord une limite et ensuite de ménager un temps afin de trouver une solution plus adaptée à long terme à la situation de ces jeunes. Pour la plupart de ces mineurs, il n’y a pas de réincarcération après le jugement qui a souvent lieu après la sortie de prison. Ils se voient le plus souvent condamnés à des peines de sursis assorties de période de mise à l’épreuve sous contrôle judiciaire. La mise en détention n’est donc pas généralement pratiquée dans le but unique de sanctionner (et quel sens a la sanction avant jugement ?) mais dans celui de contraindre le jeune à un temps de réflexion et à la justice la possibilité de trouver une issue à un parcours qui fait craindre une évolution très défavorable.

La détention des mineurs souffre, sans doute encore, souvent à juste titre, d’une triste réputation, celle d’empêcher toute évolution positive du jeune incarcéré.

L’incarcération peut constituer, certes moyennant un nombre non négligeable d’améliorations, une étape dans la vie du jeune, une prise de conscience et offrir aux différents intervenants ( justice, santé, éducation nationale ) la possibilité d’une action concertée et cohérente abordant le jeune à la fois dans son individualité et sa globalité au sein de la famille et de la société.

Ce temps de l’incarcération doit être mis à profit afin d’être vécu par les jeunes comme une période transitoire leur permettant de changer de direction dans un parcours mal engagé.

Les améliorations à apporter aux conditions d’incarcération sont multiples et portent sur de nombreux points mis en exergue par les rapports d’enquête du Parlement et du Sénat. Pour les mineurs, elles doivent porter en tout premier lieu sur le développement d’un réel partenariat entre les différents professionnels intervenant dans la prise en charge de ces jeunes.

Tout récemment encore se réunissait au centre de jeunes détenus de Fleury-Mérogis un groupe de travail constitué des membres de l’Administration Pénitentiaire, de l’Application des Peines, du Parquet ainsi que des représentants de la Protection Judiciaire de la Jeunesse, de l’ Education Nationale, de la Croix Rouge et des équipes de l’UCSA (unité de consultation et de soins ambulatoires, responsables des soins somatiques) et du SMPR (service médico-psychologique régional chargé des soins psychiatriques).

Ce groupe de travail s’est fixé comme objectif de créer des liens entre les différents acteurs de la prise en charge des mineurs, aussi bien entre les différentes structures qu’entre l’avant, le pendant et l’après détention.

Dans le cadre de ce partenariat, l’équipe du SMPR de Fleury-Mérogis rencontre chacun des jeunes incarcérés. Ils sont initialement reçus par un psychiatre et un infirmier et adressés ensuite le cas échéant à un psychologue ou participent à des ateliers thérapeutiques.

Les missions des SMPR comportent également l’organisation d’un suivi post pénal qui se met en place progressivement. Le temps de l’incarcération est aussi celui de la rencontre avec les parents du mineur, moment essentiel de la prise en charge qui permet parfois de mettre à plat des situations jugées inextricables. Il est rare que ces jeunes présentent des pathologies psychiatriques avérées. Il s’agit le plus souvent d’une symptomatologie réactionnelle à l’incarcération et à ses conséquences sur la cellule familiale et plus souvent encore de troubles de la personnalité engendrés par des carences affectives, sociales et éducatives. La prise en charge n’a pas la prétention de pallier ces carences mais de mettre en place un suivi qui peut permettre une prise de conscience et tente de redonner à ces jeunes qui souffrent la possibilité de reprendre une part active dans le choix de leur vie.

D’ores et déjà, un partenariat entre les équipes de soins somatiques et psychiatriques permet aux jeunes de prendre conscience de leur souffrance tant physique que psychique.

Loin de représenter la solution, la présence de jeunes en prison est le signe d’un échec de notre société. Il nous faut poursuivre nos efforts afin que le placement en détention des plus jeunes puisse aussi recouvrir un rôle éducatif et ne pas représenter le dernier maillon de la course vers l’échec. Parallèlement la société doit faire preuve d’imagination pour inventer d’ autres réponses à la délinquance des adolescents, ce qui permettra de limiter l’incarcération des mineurs.

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