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Ces populations que le monde oublie peu à peu

Monique FAU - Pédopsychiatre
Béatrice LUMINET - Membre du CA
Carole MARTIN - Coordinatrice mission Lyon
Alain THEVENET - Psychologue Médecins du Monde Lyon

Année de publication : 2008

Type de ressources : Rhizome - Thématique : Pédopsychiatrie, Psychologie, PUBLIC MIGRANT, SCIENCES HUMAINES, SCIENCES MEDICALES

Télécharger l'article en PDFRhizome n°32 – Lieux d’asile en milieu hostile (Octobre 2008)

« Rom, il a 12 ans. Depuis deux ans, il fréquente très assidûment une école spécialisée pour enfants sourds où il peut être conduit chaque matin par un taxi. Mais sa famille, qui a été régularisée, a connu de nombreuses expulsions, n’a toujours pas de logement et, toujours dans le cadre de l’urgence va de foyer en foyer avec des passages à la rue… pas de travail, et sans cesse la question de savoir si B. pourra continuer à bénéficier de ses appareils, de son école, car sans adresse, comment faire venir un taxi? »

Paradoxe de notre asile actuel …Quels espoirs ont tous ceux qui quittent leur pays, leurs conditions de vie devenues si insupportables qu’ils préfèrent aller vivre ailleurs, dans un pays inconnu où personne ne les attend ? Que trouvent-ils en arrivant ? Que leur offrons-nous ?

Accueil, Soins, Orientation : trois composantes de la mission de Médecins du Monde en France, qu’il devient de plus en plus difficile à réaliser ; accueil et soins difficiles à inscrire dans une continuité pourtant nécessaire, spécialement dans le domaine de la souffrance psychique,  comme en témoigne un psychologue du CASO :

« Un certain nombre de patients, parmi les plus assidus, ont parfois disparu et nous n’avons pu apprendre qu’incidemment leur expulsion, parfois par le biais d’un passage dans un centre de rétention administratif. Les autres sont en attente, renvoyés d’un bureau à l’autre, en quête de documents qui ne sont jamais complets. Ce sont souvent les femmes qui effectuent ces démarches, comme ce sont elles qui se chargent de l’accompagnement des enfants. Les hommes, à ce qu’elles disent, restent le plus souvent prostrés, soit qu’ils se perçoivent comme plus menacés que leurs épouses, soit qu’ils se sentent humiliés dans leur place d’hommes par cette situation de quête et de dépendance, alors qu’ils ont souvent pris, dans leur pays des positions engagées qui sont à l’origine de l’exil. Il est cependant difficile d’aider des couples sur ce point, puisque les maris sont rétifs à venir en consultation et que la situation sociale de la famille interdit, pour l’instant, toute remise en question.

Aux uns comme aux autres le retour au pays paraît inimaginable. Souvent, ils n’y ont plus de place, comme c’est le cas de ces Bosniaques dont le village est maintenant en République Serbe et qu’on n’accepte pas non plus dans la Fédération bosniaque. Pour tous, il n’est pas concevable de retourner dans un pays (qualifié pourtant de « sûr » par les autorités) où l’on ne rencontrera que des souvenirs douloureux de parents disparus ou assassinés et où on croisera dans la rue ceux qui furent les tortionnaires et les violeurs. Ce serait également tenir pour rien la souffrance et la peur que fût souvent l’errance vers un pays d’accueil.  On est loin, en présence de ces souffrances individuelles, des préoccupations politiciennes concernant les quotas… »

Comme l’illustre ce témoignage, la notion d’asile et d’hospitalité est aujourd’hui remise en cause. La continuité des soins psychiques ou somatiques, qui devrait être un droit sans conditions, est soumise à la situation administrative des personnes. En effet, comment « soigner » quelqu’un si il/elle est ensuite remise à la rue et erre de foyers en foyers? Comment soigner quelqu’un qui n’ose se rendre à l’hôpital par peur d’être arrêté par la police puis envoyé en centre de rétention ?

Tant que la politique sociale vis à vis des étrangers reste la même et que nous continuons à ériger des murailles pour frontière, ces questions resteront en suspens…

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