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Quels outils pour la planification ?

Stéphane PAUL - Inspecteur général des affaires publiques

Année de publication : 2000

Type de ressources : Rhizome - Thématique : Santé publique, SCIENCES HUMAINES, Sciences politiques

Télécharger l'article en PDFRhizome n°3 – L’offre de soin entre politique et subjectivité (Décembre 2000)

Le précédent numéro de « Rhizome » était en grande partie consacré à une réflexion sur les évolutions qu’enregistre la demande de soins. Dès lors, les membres de son comité de rédaction ont pensé qu’il serait logique que le présent numéro aborde la question de l’offre.

Logique ? Oui, bien sûr : le bon sens ne veut-il pas que l’on tente de construire une offre (exprimée en personnels, en lits, en places, en équipements, etc.) qui permette de répondre aux besoins tels qu’on a pu les identifier et qui sache s’adapter sans retard aux multiples changements qui affectent la demande.
Logique, donc… Mais, pourtant, lorsque les experts du Haut Comité de la Santé Publique étudient l’affaire, ils écrivent, dans un rapport de juin 1998, qu’il serait « simpliste » (sic) d’imaginer qu’il y ait un enchaînement causal établi entre le niveau d’équipement proposé à une population et la qualité de son état de santé. Et, dans le sens inverse, ils soulignent que le constat d’une déficience dans l’état de santé d’une population ne trouve pas nécessairement son remède le plus adapté dans un accroissement automatique de l’offre de soins.
Un exemple simple permet d’illustrer le propos : si l’hiver amène une augmentation des affections respiratoires, on peut certes accroître le nombre des pneumologues et des lits de médecine ; mais il serait tout aussi sérieux d’inciter concomitamment les pollueurs à réduire leurs effluents dans l’atmosphère.

Comme quoi il ne faut pas exiger de l’offre de soins plus qu’elle ne doit apporter.
Pour autant, qu’on ne s’y trompe pas : s’il importe de ne pas surestimer le rôle de l’offre de soins, il serait coupable d’en déduire que l’on peut abaisser le niveau d’exigence qui doit lui être imposé ! Et, précisément, au moment où se mettent en œuvre les schémas régionaux d’organisation des soins adoptés tant pour les soins somatiques que pour la psychiatrie, que peut-on attendre de l’offre de soins ? Plus précisément, quelles sont les exigences de cette décennie-ci qui sont nouvelles ou accrues par rapport aux attentes que nous formulions dans les années 90 ?
L’offre doit d’abord, dans sa structure et son fonctionnement, se faire plus attentive aux attentes de la population. Ainsi, dans le domaine des soins somatiques, l’offre est-elle appelée à devenir progressivement plus perméable que naguère aux vœux du consommateur en favorisant l’essor de la chirurgie ambulatoire, la lutte contre la douleur ou encore l’hospitalisation à domicile. Et c’est bien l’une des missions de RHIZOME que de contribuer à ouvrir les centres hospitaliers spécialisés et les équipes des secteurs aux attentes, nouvelles aussi, à leur manière, d’une population qu’ils ne connaissaient guère il y a seulement quinze ans.

Il convient en second lieu que chacun des éléments de l’offre de soins (les établissements mais aussi, en leur sein, les équipes) s’extravertissent plus qu’auparavant. La nécessité pour chacun d’une réflexion moins endogène tient naturellement au fait qu’aucune structure sanitaire ou sociale ne peut plus définir son projet par et pour elle-même. Rançon de la spécialisation croissante de chacune de ces structures, le patient est de plus en plus souvent amené à effectuer un parcours qui le conduit de l’une à l’autre. Dans ces conditions, ce qui importe, c’est certes la qualité intrinsèque de chaque maillon, mais tout autant la manière dont s’opèrent les articulations sans lesquelles la chaîne n’existe pas. C’est ainsi que l’Orspere, avec d’autres, manifeste le besoin de travailler le lien entre gens de « la psychiatrie » et gens du « social » ; l’objet n’est pas que les uns ou les autres y perdent leur âme, mais qu’ils trouvent ensemble les moyens du dialogue que requiert la prise en charge de personnes que l’on ne saurait, sans grand danger pour elles, ranger simplement et définitivement dans telle ou telle case bien délimitée.
Troisième évolution : il faut s’attendre à ce que l’évaluateur de demain (et peut-être d’aujourd’hui) audite les processus internes, recueille l’avis des malades, examine la qualité des prises en charge au regard de référentiels internationalement reconnus et eux-mêmes en constante amélioration, alors que le planificateur d’hier scrutait prioritairement le nombre des lits autorisés, à comparer à des besoins théoriques, eux-mêmes définis via des « indices lits/population » relativement stables dans le temps.

Et l’on voit par là que l’obsolescence risque de gagner bien vite les raisonnements construits sur le nombre des secteurs, des lits, des places,… Ce qui compte de plus en plus, ce sont les soignants et la qualité de leurs savoir faire : travailler sur l’offre, c’est donc désormais se prononcer sur leur nombre, sur leur formation, sur l’acquisition des compétences en cours de carrière, sur l’apprentissage du travail en réseau, sur la transférabilité des bonnes pratiques.

Autrement dit, nous allons avoir à faire progressivement, tous ensemble, le deuil des outils de la planification, frustres mais confortables, qui nous ont tant servi au cours de ces dernières décennies. C’est un peu triste, mais c’est probablement à ce prix que, tel le rhizome, notre travail donnera naissance à de nouvelles pousses dont nous puissions, un jour, être fiers.

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