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Psychologue en CMP : les attentes de l’équipe infirmière

Philippe QUINET - Cadre de santé, Service du Pr. Dalery

Année de publication : 2005

Type de ressources : Rhizome - Thématique : Psychologie, SCIENCES HUMAINES, TRAVAIL SOCIAL

Télécharger l'article en PDFRhizome n°19 – Psychologues en tension (Juin 2005)

Pour l’équipe Infirmière du CMP de Décines

Comment dire une attente que les mots ne sauraient combler ?

Si les figures imaginaires du psychologue renvoient chacun à son histoire et à ses manques ainsi qu’à son désir de savoir, de savoir (se) réparer ; existe-t-il une figure emblématique de la fonction ?

Je pars avec l’idée de rencontrer les infirmières du CMP ce jour là – voici ce que j’ai pu traduire par écrit de leurs attentes quant à la fonction du psychologue de l’équipe.

Prendre du recul par rapport à une situation

Il s’agit là d’une demande d’aide à la distanciation, au niveau de la clinique – une intervention qui nous décolle en quelque sorte de l’immédiateté de la prise en charge ; qui nous aide à comprendre ce qui se joue, ce qui se passe dans la relation avec le patient.

En fait, l’attente des membres de l’équipe à l’égard du psychologue tendrait plutôt vers  la désintrication des enjeux relationnels, et  la mise en représentation de « l’intrigue » à partir de ce qui se joue dans l’actualité.

C’est souvent ce qui est communément appelé « élucidation clinique ». Cette demande d’élucidation s’exprime différemment parmi les membres de l’équipe mais renvoie au même désir de « percer le secret », d’aller au-delà de ce qui est donné à voir. Il est question alors, dans cette fonction du psychologue attendue par l’équipe, de « regard clinique différent », « d’un autre éclairage »,  « de décoller un peu de l’immédiateté », « de la prégnance de la relation ici et maintenant ».

De l’effet zoom à l’éclairage, ou la fonction faisceau….

Comme on peut le constater, on pourrait pratiquement parler d’un « effet zoom » qui va du repérage d’un détail jusque-là entr’aperçu et qui par l’écoute et le dit du psychologue va permettre « d’attirer l’attention de l’équipe » sur cet élément, de focaliser son regard.

C’est l’idée du faisceau du projecteur ou encore du « faisceau de preuves » –  non pas dans le fait de rechercher des preuves mais plutôt dans une intentionnalité –  qui à partir d’élément abstraits et disparates va produire un ensemble cohérent qui permette de déchiffrer l’énigme.

L’éclairage ainsi dirigé par le psychologue va orienter le regard soignant à distance de la situation et ouvrir, en l’élargissant, le champ des représentations quant aux possibilités psychothérapiques – « ouvrir d’autres pistes… ».

…jusqu’à la vision grand angle et même panoramique

A d’autres moments, c’est le recours à un plan plus large qui viendra sortir les soignants du sentiment de n’être plus que la caution du fonctionnement psychique du patient.

C’est la version grand angle d’une double fonction d’extériorité et d’extériorisation.

A partir d’un point précis, la vision du psychologue va, à l’instar d’un mouvement de rotation de caméra autour d’un axe, proposer d’autres espaces de pensée. Il va nous entraîner dans un champ nouveau d’investigation où l’effet de surprise et le plaisir de la découverte sont la résultante d’une disposition psychologique de l’équipe : se garder de trop comprendre au risque d’enfermer l’autre dans sa connaissance et s’ouvrir à l’écoute de l’inconnu de l’autre.

La part d’inconnu, de cet inconnu précisément, reste un territoire à préserver, réservant à ce même inconnu de nous autoriser à rentrer dans quelque endroit seulement de son jardin secret, à lire quelques pages de son journal intime, et même parfois à faire partie de sa biographie….

Ici, il s’agit d’un voyage auquel le psychologue nous invite et qui va de l’intime à l’universel, en passant par l’explication des concepts analytiques et/ou leur illustration clinique.

Cependant, il lui faut savoir « ne pas secouer n’importe quoi, n’importe comment et n’importe quand… », et c’est bien là toute la difficulté et l’art de l’intervention du psychologue.

Une équipe est « à prendre là où elle en est » : L’accompagner dans la démarche de mise en sens inhérente à l’activité soignante nécessite de respecter « son » temps de métabolisation. Cela ne veut certes pas dire qu’il ne faut pas heurter, brusquer cette équipe et ses représentations. Au contraire, cela est souvent nécessaire et correspond à la fonction « d’empêcheur de penser en rond ».

Cela signifie surtout qu’il faut accompagner ce moment, ce mouvement de penser postérieur à la prise de conscience.

Ce n’est jamais simple, et encore moins facile, que d’entendre la version de l’autre – cette vision transposée et décalée qui même si elle est parfois difficile à accepter, va favoriser la prise en conscience, la reconnaissance d’un champ plus large.

« Lorsque l’on est en difficulté par rapport à une prise en charge, on va plutôt voir le psychologue»… « Pour comprendre ce qui se passe dans le lien »… « Lorsque ça coince, il est souvent un recours »« On est parfois trop centré sur le symptôme, sur le traitement et sur le comment cette personne va-t-elle pouvoir rentrer chez elle et assurer son quotidien…. ».

En conclusion, je dirais que ce que l’on demande au psychologue se soutiendrait plutôt d’une activité mentale de liaison, d’une capacité à fabriquer des liens de raisonnement à l’intérieur de l’équipe pour contrecarrer l’aliénation de la raison.

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