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Prévention : du temps et de la confiance

Marie-Claire FILLOT - Cadre socio éducatif, Hôpitaux de St Maurice.
Nejib GUERBAA - Educateur en formation, Institut du Travail Social (IRTS) de Montrouge.

Année de publication : 2004

Type de ressources : Rhizome - Thématique : PUBLIC PRECAIRE, TRAVAIL SOCIAL

Télécharger l'article en PDFRhizome n°15 – Dépasser l’urgence (Avril 2004)

Les formes habituelles de l’intervention sociale cadrées par un accompagnement nominatif et un temps de prise en charge ne font plus sens. Le « travail de rue », présence fréquente et régulière, aux moments et lieux où les jeunes ont l’habitude de se retrouver (square, place, salle de jeux, café, en bas de certains immeubles…) permet d’aller à la rencontre et d’amorcer une relation avec des jeunes en difficulté, de tisser et de maintenir un lien social avec les populations en risque de marginalisation, de comprendre les itinéraires et les habitudes des jeunes et d’observer et évaluer les besoins, les potentialités du public visé et d’échanger sur ces observations avec les partenaires.

La rue, souvent lieu de galère pour les jeunes, est paradoxalement un lieu, un temps de travail pour l’éducateur. Ce temps permet d’aller à la rencontre, d’amorcer une relation avec des jeunes en difficultés. Le travail de rue consiste quotidiennement à faire un circuit régulier, travail informel qui se résume à être là. Trouver un sens à ce travail n’est pas évident de prime abord. Faire un travail informel dans la rue n’est pas facile et nécessite un échange, un décryptage avec un professionnel de la supervision.

De cette position être là qui peut parfois s’inscrire sur plusieurs semaines ou mois, l’éducateur va proposer une structuration plus collective de son intervention. A travers une relation de confiance avec le groupe qui accepte et inclus les éducateurs dans son propre rythme, il peut être proposé des temps collectifs. Ces propositions sont, soit d’organiser par exemple des confrontations sportives, soit d’aider à la réalisation comme pour les séjours autonomes qui permettent de travailler avec ces moments collectifs prédéterminés et acceptés. Les jeunes acceptent plus facilement le groupe comme support plus rassurant pour eux qu’une relation individuelle.

Pour l’éducateur, ce temps en groupe permet d’établir des dialogues plus personnalisés avec les jeunes, d’établir une relation de confiance avec eux. Lorsqu’un contact est établi, les premières demandes individuelles peuvent prendre des formes variées et parfois peu adaptées à la situation. Un des thèmes récurrent est le travail. Cette demande est ce que l’on peut appeler une demande convenue pour des jeunes hors du système scolaire et des éducateurs qui sont là pour insérer.

La démarche devient volontaire pour ces jeunes pour aller vers l’éducateur qui se rend disponible dans leur milieu habituel. L’éducateur va alors reprendre une forme d’intervention plus classique en structurant une prise en charge individuelle, le temps individuel, autour de rendez-vous, démarches, accompagnements articulés avec le réseau d’intervention local.

Les notions de temps et de confiance sont nécessaires à la mise en place de toute action éducative. Cette approche particulière, hors des méthodes habituelles d’interventions des travailleurs sociaux, souligne la limite des institutions classiques. L’intervention de prévention spécialisée s’appuie sur des actions collectives et individuelles. L’objectif est de permettre aux jeunes de s’organiser, de construire des projets. Ces actions sont des supports à la relation éducative. En accompagnant la personne dans son cheminement personnel, l’éducateur veille à développer les motivations susceptibles d’inspirer une projection dans le temps, de favoriser la concrétisation et enfin la réalisation de ses projets (famille, travail, formation…).

Tous ces moments scandent le temps de la vie de l’association, du travail des éducateurs mais aussi celui des jeunes.

« Or, l’enjeu non du travail social1, mais de sa substance la relation éducative, c’est justement d’accompagner des passages, en osant une temporalité vécue ». Or, l’envers du projet d’un travail social, ou ce qui le constitue, demeure le quotidien ; pas exclusivement ce qui le remplit (les tâches, les rythmes, les lieux…), mais surtout ce qui le rend essentiel : une certaine manière d’habiter. On pourrait dire qu’il s’agit là de l’étoffe de l’éducateur, c’est à dire sa capacité à créer de l’accroche, mais aussi à appréhender l’imprévu, pour être là où on ne l’attendait pas forcément ».

La prévention spécialisée a évolué et évolue encore en fonction des représentations sociales du phénomène jeunesse. Cette évolution est en lien avec le contexte politique économique et social, contexte particulièrement difficile actuellement.

La prévention s’adresse en particulier aux jeunes les plus marginalisés. Le temps des jeunes en rupture est donc dilué, sans repère de rythme dans la journée et se réduit au lever-coucher en parallèle à un décrochage des temps sociaux, la famille, l’école, la formation professionnelle ou le travail…

C’est l’éducateur qui va inclure le temps comme outil de son intervention. Le temps de l’éducateur s’articule entre des moments différents qui vont de l’informel (travail de rue) au formel (les rendez vous individuel) du collectif (les activités) à l’individuel (la prise en charge).

Notes de bas de page

1 Thierry Goguel d’Allondans « Anthropo-logiques d’un travailleur social » Ed Teraedre, nov.2003

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