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Lorsque le travailleur social n’idéalise plus la psychiatrie

Marie-Claire VERGER - Assistante sociale, Conseil Général du Rhône

Année de publication : 2000

Type de ressources : Rhizome - Thématique : Psychiatrie, SCIENCES MEDICALES, TRAVAIL SOCIAL

Télécharger l'article en PDFRhizome n°1 – Interpellations (Avril 2000)

Le constat est unanime chez les travailleurs sociaux : les problèmes de santé mentale sont en augmentation incessante, en nombre et en gravité, ceci depuis plusieurs années. Leurs manifestations évoluent et s’expriment de plus en plus sur le terrain social, à tel point qu’elles sont devenues une caractéristique du travail social au quotidien.

Les symptômes et les problématiques sont variés : de la personne angoissée qui appelle 15 fois le service dans la même journée, au chômeur de longue durée destructuré, en passant par la problématique familiale d’un toxico jusqu’au malade mental avéré, il y a un éventail large des souffrances rencontrées, souvent aiguës, et devant lesquelles le travailleur social est vite démuni.

La difficulté majeure que nous rencontrons est de permettre à la personne d’accéder au soin. Rares sont celles qui ont une demande formulée en bonne et due forme.

Comment tenir la relation avec des personnes en grande souffrance psychique ?

Je crois pouvoir dire que le travailleur social n’idéalise plus le psychiatre mais il a des demandes nouvelles à lui formuler.

Il nous faut actualiser nos connaissances et réfléchir à nos pratiques professionnelles face à cette souffrance. Pour cela, nous n’avons pas seulement besoin du classement nosographique des maladies mentales mais nous avons une attente d’un travail avec des cliniciens. Par exemple, comment conduire un entretien social avec une personne délirante ? A quoi faut-il veiller ? Que faut-il éviter ?

La connaissance que nous avons du public nous amène à formuler le souhait d’autres modes de prise en charge que les thérapies classiques, souvent inopérantes avec les personnes en grande difficulté sociale : comment livrer une souffrance très aiguë lorsque la conceptualisation n’est pas un moyen d’expression familier ? Mesure-t-on jusqu’où la précarité insécurise, déstabilise ? Que peut-il rester comme énergie pour prendre soin de soi ?

Devant l’augmentation en nombre et en chronicité des liens pathologiques mère-fils, nous devons, en tant que travailleur social, chercher à mettre en place des stratégies d’aide qui permettent d’avoir accès au fils sans renforcer les défenses de la mère. Pourrait-on aller jusqu’à imaginer un soin du lien mère-fils adulte ou est-ce une utopie ?

Ressourcer la pensée

Les souffrances vécues et rencontrées ne relèvent pas toutes de la pathologie mentale au sens strict mais les personnalités sont malmenées, fragilisées par la précarité…

Le travailleur social ne demande pas au psychiatre de prendre en charge toute cette souffrance, qui est à la fois psychologique et sociale. Il demande à être entendu par les institutions car il est surtout à la recherche d’énergie nouvelle.

Mais où trouver cette énergie nouvelle ? QUI pourra la produire ?

Je pressens deux sources : la réflexion, pas seulement la parole mais l’acte de penser (sans jeu de mots!); le dialogue, l’échange qui assume les différences.

L’interpellation se fait alors vive pour que des lieux de réflexion, d’analyse et de mise en commun de nos pratiques professionnelles respectives puissent être organisés entre travailleurs sociaux, psychologues et psychiatres, dans le cadre de la formation permanente bien sûr (où l’on pourrait associer des anthropologues) mais aussi au plus près du terrain car la souffrance humaine échappe au clivage entre les services.

Mettre en commun notre expérience s’avère nécessaire pour soulager ces nouvelles formes de souffrance qui n’appartiennent exclusivement ni aux uns ni aux autres. Les forces ainsi trouvées nous permettront d’inventer ensemble des modes d’intervention plus pertinents.

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