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Dépasser les réticences

Dr Pierre BELMANT - Chargé de mission à la Fnars (Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale)

Année de publication : 2000

Type de ressources : Rhizome - Thématique : Psychiatrie, PUBLIC PRECAIRE, SCIENCES MEDICALES

Télécharger l'article en PDFRhizome n°1 – Interpellations (Avril 2000)

La Fnars qui fédère 700 associations et près de 2000 centres et services, dont de nombreux Centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), a depuis plusieurs années développé réflexion et pratique sur les relations entre la psychiatrie publique de secteur et ses établissements.

Ces derniers reçoivent des personnes présentant des pathologies psychiatriques, prises en charge ou non par la psychiatrie publique, d’autres souffrant de troubles du comportement pour lesquels ils auraient besoin d’un avis diagnostic et d’une orientation vers les prises en charge appropriées, psychiatriques ou autre. Ils accueillent enfin des personnes ayant simplement besoin d’un soutien psychologique en raison de leurs difficultés sociales et personnelles, ainsi que les enfants accompagnant ces “parents en détresse”.

Face à ces différentes formes de souffrance psychique ou de maladie mentale, la psychiatrie publique de secteur n’est pas le seul recours: alcoolo-dépendance, toxicomanies et violences conjugales, pour ne prendre que trois exemples forts, ont parfois leurs propres circuits spécialisés de prise en charge. Mais parfois la psychiatrie publique est un partenaire indispensable.

Au stade du conflit

Selon les sites, les relations entre la psychiatrie et le secteur social vont du conflit aux conventions ou chartes écrites.

Parfois les deux parties se renvoient la personne comme une “patate chaude”, chacun soupçonnant l’autre de vouloir lui “refiler” les personnes qu’il ne sait pas ou ne veut plus traiter. Et il arrive que l’on se laisse aller à la caricature : les psychiatres, surtout les plus récemment formés, ne seraient que des prescripteurs forcenés de médicaments psycho-actifs, ne s’intéressant qu’à ce qui peut rentrer dans les classifications des manuels les plus à jour de diagnostic psychiatrique, hors de toute référence analytique ou sociologique… ; les psychothérapeutes, ou “pire”, les psychanalystes, attendraient obstinément en silence que la personne exprime verbalement sa demande ou au moins sa souffrance…; les travailleurs sociaux, la plupart “bien sûr” en état d’épuisement professionnel faute de supervision analytique, auraient tendance à psychiatriser tous les problèmes sociaux, soit en se prenant pour des “psy”, soit en demandant obstinément au secteur psychiatrique de redéployer ses moyens – supposés surabondants – afin de lui venir en aide face à toute cette souffrance qu’on ne peut plus cacher…

Plusieurs facteurs sont à l’origine de cette situation pour le moins tendue : un manque de langage commun souvent, et surtout une méconnaissance réciproque des différents outils de l’autre ; des malentendus autour du secret professionnel et du secret médical ; des sorties d’hospitalisation psychiatrique insuffisamment préparées en termes de suivi social ou thérapeutique pour les personnes ayant besoin d’un hébergement social ; des hospitalisations en psychiatrie, ou des retours en hospitalisation en situation de crise, difficiles à obtenir dans certains cas de la part des CHRS et autres établissements sociaux ; enfin, dans beaucoup de secteurs, une pratique inadéquate pour les personnes SDF et/ou en errance, du fait même de leur absence de domicile et d’une application trop “cadastrale” de la notion de secteur, préjudiciable au suivi psychiatrique de ces personnes.

Un partenariat en progrès

Depuis quelques années pourtant dans le réseau de la Fnars, des relations plus élaborées entre psychiatrie publique et social se développent. Elles mettent l’accent sur certains point importants : l’organisation de la sectorisation psychiatrique ne doit pas être un obstacle au libre choix de son thérapeute, que l’on soit avec ou sans domicile, et doit rester un outil favorisant la continuité des soins ; des modalités de travail en commun, dans les compétences et missions respectives de chacun, doivent être élaborées et entretenues en termes de moyens, notamment humains, de rencontres, de lieux, de suivi et régulation, de calendrier, etc. ; une place doit être accordée à la question du secret médical et professionnel.

Des collaborations réussies dans la durée sont possibles. Elles débutent souvent par la bonne volonté de quelques uns, puis sont conceptualisées dans des textes qui engagent les institutions au-delà des individus. Fréquemment évaluées et régulées, ces collaborations durent avec succès depuis plusieurs années dans certains sites.

Pour vaincre les résistances des individus et des institutions, il reste à trouver le bon interlocuteur. La Fnars peut inciter de diverses manières ses adhérents à travailler autrement et à se remettre en cause. La Ddass ou la Drass se sont déjà montrées des médiateurs efficaces dans certains sites. En ce qui concerne la psychiatrie publique, qui peut inciter “le médecin chef de secteur réticent” à mieux collaborer avec les acteurs du champ social ? C’est une question que la Fnars se pose de façon aiguë dans quelques sites devant l’absence totale de réponse aux invitations à rencontre !

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