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La réhabilitation psychosociale : l’exemple de l’autostigmatisation

Mis en ligne le 08 avril 2022

La réduction de l’espérance de vie des personnes suivies pour des troubles psychiques atteint, en moyenne, 16 ans chez les hommes et 13 ans chez les femmes. Cette perte de chance est plus ou moins importante selon le trouble considéré. Ces personnes présentent des taux de mortalité deux à cinq fois supérieurs à ceux de la population générale (quelle que soit la cause de décès) et un taux de mortalité prématurée multiplié par 4.

Un moindre accès aux soins fait partie des causes associées à cette surmortalité précoce. L’autostigmatisation constitue un fort vecteur d’inégalités dans l’accès aux soins. C’est donc une cible privilégiée et incontournable pour toute action visant à réduire les inégalités de santé en contexte de troubles psychiques.

S’autostigmatiser, c’est internaliser et s’associer à soi-même des stéréotypes négatifs sur les troubles psychiques. L’autostigmatisation est associée à un nombre important d’effets délétères sur les parcours de vie en santé mentale : elle crée de la distance entre les personnes concernées et le soin (psychique et somatique). De plus, elle produit de l’isolement social et familial. C’est un obstacle au parcours de rétablissement et d’inclusion sociale. Mais surtout, l’autostigmatisation retarde le repérage des troubles psychiques avec des répercussions sensibles et nombreuses sur :

  • le fonctionnement des personnes au quotidien,
  • le nombre d’hospitalisations complètes,
  • la durée des hospitalisations,
  • la mise en place d’un diagnostic et d’une offre de soins adaptée,
  • le retour à l’emploi ou à la formation avec une perte de chance majorée dès 1 an après les 1ers épisodes psychotiques. 

Aujourd’hui, c’est un axe majeur de recherche pour le Centre Ressource de Réhabilitation psychosociale (CRR). Il a ouvert la voie à des études comparatives internationales pour mieux envisager comment l’organisation de l’offre de soin peut constituer un facteur protecteur (notamment la psychiatrie communautaire et les pratiques orientées rétablissement). Des travaux sur le niveau d’autostigmatisation selon des critères sociaux-démographiques, ainsi que selon les troubles apportent aux professionnels, aux personnes concernées et aux familles, des outils plus adaptés leur permettant d'agir sur l’ensemble des déterminants de la santé psychique.
 
En s’appuyant sur la cohorte multicentrique REHABase, les résultats publiés dans European Psychiatry (étude portée, notamment, par le Pr. N. Franck au Vinatier), considèrent les facteurs de l’autostigmatisation dans les troubles psychiques sévères et dans le trouble du spectre de l’autisme. Retour sur les objectifs et résultats de cette étude.
 
L’autostigmatisation est très fréquente chez les personnes ayant des troubles psychiques sévères. Sa prévalence est de 41,7% chez les personnes présentant une schizophrénie et de 21,7% chez celles qui ont un trouble bipolaire. Come évoqué, l’autostigmatisation exerce un fort impact sur les possibilités de se rétablir d’un trouble psychique : elle est associée à une moindre adhésion aux soins, une diminution de l’estime de soi et du pouvoir d’agir, une perte d’espoir et une diminution de la qualité de vie.

Pourquoi cette étude est-elle importante ?

La majorité des études se sont intéressées à l’autostigmatisation dans le cadre de la schizophrénie. Peu d’études ont porté sur l’autostigmatisation dans les autres troubles psychiques et dans le trouble du spectre de l’autisme. En analysant les résultats de la cohorte REHABase (738 personnes concernées), cette étude a mis en exergue des données inédites.

Ce que dit cette étude

Le taux d’autostigmatisation est élevé au sein de cette population : 31,2% des personnes présentent un taux élevé d’autostigmatisation. Le taux le plus fort d’autostigmatisation (43,8%) est retrouvé chez les personnes vivant avec un trouble de la personnalité borderline. Le plus faible apparait chez les personnes vivant avec un trouble du spectre de l’autisme (22,2%).
Au-delà du diagnostic, l’analyse multi-variée a suggéré que le taux d’autostigmatisation est corrélé aux étapes :

  1. du processus de rétablissement
  2. au niveau de satisfaction perçue des personnes dans leurs relations interpersonnelles.

Autrement dit, un taux élevé d’autostigmatisation est associé à un accès moins facilité au rétablissement et à des interactions sociales plus altérées.

Ce qu’il faut retenir

Cette étude a ainsi montré, outre l’importance de prendre acte du niveau d’autostigmatisation des personnes et de le mesurer à l’aide d’outils validés comme l’ISMI, la nécessité d’en faire un enjeu central dans la pratique clinique et de proposer des réponses thérapeutiques destinées à lutter contre ses effets et à prévenir son développement ou son aggravation.

Sur la même thématique, une autre étude par le Pr. N Franck au CH Le Vinatier, issue là encore de la cohorte REHABase, a mis en évidence que plus le degré de résistance à la stigmatisation est élevé chez les personnes présentant un trouble psychique sévère, plus ces dernières présentent des scores de qualité de vie, d’estime de soi et de bien bien-être élevés ainsi qu’un stade du rétablissement avancé. Autrement dit, la capacité à ne pas se laisser distraire, envahir ou décourager par les préjugés stigmatisant (qui continuent de marquer les discours sur la santé mentale) constitue un facteur protecteur pour les personnes concernées.

Quelle méthodologie ?

Issus de la cohorte REHABase, 693 patients ayant un trouble psychique sévère, suivis en psychiatrie ambulatoire ont été inclus dans l’étude. Les patients présentant des troubles de la schizophrénie sont les plus représentés (63,1 %). Les autres diagnostics sont les suivants :

  1. troubles bipolaires (15,9 %),
  2. troubles de la personnalité borderline (8,7 %),
  3. dépression majeure (3,7 %)
  4. et troubles anxieux (2,5 %).

Dans le cadre de cette étude, les évaluations prises en compte comprenaient :

  • les échelles d’évaluation de la sévérité des troubles, de la qualité de vie, du bien-être, de la satisfaction des patients sur plusieurs domaines de leur vie quotidienne, le stade du rétablissement ;
  • plusieurs échelles d’appréciation des habiletés cognitives.

Quels résultats ?

Parmi les résultats de cette analyse transversale, un haut degré de résistance à la stigmatisation est associé fortement au sentiment de rétablissement personnel et à l’ensemble des conséquences positives du rétablissement. La résistance à la stigmatisation est par ailleurs associée à des facultés cognitives préservées (sans incidence du genre ni de l’âge des patients).

Quelles implications ?

Cette résistance à la stigmatisation, mesurable avec l’échelle d’évaluation de l’auto-stigmatisation ISMI (Internalized stigma of mental illness) peut ainsi être recherchée utilement dans le cadre d’un parcours de soins en psychiatrie. En effet, elle est une force à mobiliser ou un point de vigilance à surveiller. Une résistance faible à la stigmatisation pourra révéler des besoins spécifiques de réhabilitation psychosociale :

  • la psychoéducation orientée rétablissement,
  • les thérapies dites métacognitives qui permettent de se centrer sur le processus de la pensée et non seulement les contenus de pensée et travailler sur l’anxiété,
  • et les interventions auprès des familles pour qu’elles se sentent elles-mêmes plus soutenues, légitimes et ainsi plus soutenantes.

Pour aller plus loin

Ces résultats amènent plusieurs implications potentielles pour des études complémentaires. Ainsi, des travaux sont attendus, venant approfondir notamment les liens entre résistance à la stigmatisation, degré de reconnaissance et d’acceptation des troubles (insight) et rétablissement. La réhabilitation psychosociale peut-elle optimiser la résistance à la stigmatisation et comment ? Quels sont les impacts potentiels d’une meilleure résistance à la stigmatisation sur le rétablissement personnel et social des personnes ? Quelles caractéristiques de l’évolution de la résistance à la stigmatisation dans les trajectoires de réhabilitation psychosociale ? Autant de pistes que les investigateurs de l’étude invitent à explorer.

A découvrir également : L’autostigmatisation dans le monde en contexte de troubles psychiques sévères, un marqueur de qualité des soins et d’accès aux pratiques orientées rétablissement
 

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