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Des soins psychiatriques modernes doivent respecter trois fondements

Mis en ligne le 18 août 2021

" Psychiatrie & Santé Mentale : les #idées des acteurs " est un livre numérique donnant la parole à 40 acteurs de terrain.
Grâce à celui-ci, le CRAPS ouvre le débat via des recommandations, des axes de réflexion et des propositions pour la psychiatrie.

La Contribution #9 donne l'opportunité au Pr Nicolas Franck,
psychiatre, chef de pôle centre rive gauche au Centre Hospitalier le Vinatier & responsable du centre ressource de réhabilitation psychosociale à l’université Claude Bernard Lyon 1, de s'exprimer.

Généralités

Des soins psychiatriques modernes doivent respecter trois fondements :

  1. offrir aux personnes concernées de co-construire avec les professionnels de santé mentale un projet de soins qui soutienne au mieux leur processus de rétablissement, la réussite de leurs projets propres et leur inclusion sociale ;
  2. respecter leur autodétermination ;
  3. et donner la priorité aux prises en charge ambulatoires, en réduisant autant que possible le recours à l’hospitalisation et à la contrainte.

Nous allons considérer quelle organisation de l’offre de soins est favorable à l’application de ces trois principes dans le domaine de la psychiatrie publique. Un secteur de psychiatrie générale doit répondre à des enjeux qui peuvent paraître contradictoires. Parmi eux, notons entre autres un accès rapide à un diagnostic et à une évaluation, la possibilité de bénéficier d’une prise en charge parfaitement appropriée à ses troubles et d’un parcours de soins lisible et personnalisé en adéquation avec ses besoins propres, une durée de prise en charge optimisée de telle sorte que chaque séquence de soins permette d’atteindre un objectif défini au préalable au lieu de s’étirer dans le temps faute d’en avoir défini l’issue au préalable. Il est important que le recours à des moyens sanitaires ne constitue pas une fin en soi mais soit destiné à permettre aux personnes concernées par les troubles d’atteindre ce qu’elles ont elles-mêmes défini comme étant les critères de leur rétablissement. Pour ce faire, il faut pouvoir s’appuyer sur des professionnels formés et engagés et disposer d’un plateau technique varié conçu à l’échelle d’un pôle ou d’un établissement, ce qui implique de pouvoir regrouper au sein de plus grosses structures les services de petite taille qui préexistaient. En pratique, une première étape consiste à fusionner les secteurs qui cohabitaient au sein d’un même pôle, en définissant dorénavant le secteur à l’échelle du pôle. Ce décloisonnement permet la libération des moyens humains nécessaires à une meilleure efficience et à la création de nouvelles lignes de diagnostic, d’évaluation et de soin. Le pôle est ainsi à même de porter un projet médical intégratif et ambitieux plutôt que d’avoir une fonction essentiellement administrative.

Ce nouveau modèle d’organisation du secteur psychiatrique est tourné vers la prévention, le développement de l’extrahospitalier et la prise en charge des personnes dans leur contexte de vie - c’est-à-dire dans la communauté. Son inscription dans une approche centrée sur ses usagers soutiendra l’espoir et la modernité des pratiques. La décision médicale partagée avec le patient et les outils de soins centrés sur la personne, dont la réhabilitation psychosociale, sont au cœur des pratiques. Des pairs-aidants contribuent à cette évolution. Leur action favorise l’engagement des personnes accompagnées dans leurs soins et elle rend la psychoéducation plus pertinente et plus efficace. L’hospitalisation doit faire l’objet d’une attention particulière en ce qui concerne la qualité des soins qui y sont déployés et des durées de séjour afin que l’hospitalisation ne soit qu’une étape du parcours dont la durée doit être la plus réduite possible. Des alternatives à l’isolement et à la contention doivent être développées.

Organisation générale

Outre le fait qu’il doit répondre aux souhaits de la population et respecter les principales recommandations de bonnes pratiques, le secteur de psychiatrie générale doit adopter certaines caractéristiques pour être pertinent. Parmi les particularités les plus importantes, retenons les suivantes :

  • Lisibilité du dispositif et premier entretien médical à courte échéance, favorisant l’accès aux soins ;
  • Gradation des soins priorisant les prises en charge extrahospitalières, afin de limiter les institutionnalisations ;
  • Décloisonnement, favorisant la fluidité des parcours ;
  • Intensification du travail avec les partenaires (aidants familiaux, médecins généralistes, psychiatres libéraux, structures sociales et médicosociales, etc.) ;
  • Systématisation du soutien des aidants ;
  • Création de lignes de soins spécifiques (premier épisode psychotique, schizophrénie, trouble bipolaire, trouble du spectre de l’autisme, psychotraumatisme, trouble anxieux sévère, addiction et dysrégulation émotionnelle) s’appuyant sur les centres de recours en lien avec chaque pathologie (centre expert, centre support, centre référent ou centre ressource).

Permettre un accès aux soins rapide

Il faut que les personnes qui en ont besoin puissent accéder rapidement aux soins. Afin de raccourcir les délais, les demandes de première consultation ne doivent pas entrer en compétition avec les suivis. Or, la structuration habituelle favorise justement une telle compétition, dans la mesure où chaque centre médico-psychologique doit jusqu’à présent faire face à ces deux missions. La création d’un nouveau type de structure, le Centre d’accueil, d’évaluation et d’orientation en santé mentale (CAdEO)1, constituant l’entrée dans le dispositif, permet d’éviter cet écueil et de raccourcir le délai d’accès aux soins. Les besoins de soins concernant les nouvelles demandes de soins ou les patients en rupture de soins y sont évalués par un psychiatre ou un binôme psychiatre-infirmier ou psychiatre-psychologue. Le CAdEO oriente chaque usager vers le dispositif le plus approprié à ses besoins - au sein du pôle auquel il appartient ou à l’extérieur de ce pôle - dans le cadre d’une gradation des soins permettant que l’intensité de la prise en charge soit proportionnelle à celle des manifestations cliniques et au risque encouru.

Créer des équipes mobiles

Des équipes mobiles peuvent être créées par redéploiement, afin que des prises en charge soient délivrées au domicile des personnes. Celles-ci peuvent constituer des alternatives à l’hospitalisation, prendre le relais d’hospitalisations qui sont ainsi raccourcies ou jouer un rôle de prévention des hospitalisations en étant proposées au long cours à des personnes qui sont incapables de s’investir activement dans les soins qui leur sont nécessaires et de se rendre à des consultations. La formation (au case management et à l’entretien motivationnel en particulier) des professionnels exerçant dans ces équipes est indispensable.

Nature des soins

Le déploiement de l’approche orientée rétablissement implique :

  • La construction d’un projet de suivi individualisé (PSI) pour toute personne prise en charge ; ce PSI soutient le plan de rétablissement, propre à la personne ;
  • La rédaction systématique de directives anticipées en psychiatrie (ou plan de crise conjoint) ;
  • La possibilité de bénéficier de l’intervention du pair-aidant (la pair-aidance favorise l’engagement dans les soins ; elle est indispensable à toute action de psychoéducation) ;
  • Le renforcement du pouvoir de décision et d’action grâce au recours aux outils de soin de la réhabilitation psychosociale (psychoéducation, entraînement des compétences sociales, remédiation cognitive et accompagnement vers la réussite des projets socioprofessionnels).

Communication et partenariats

  • Mise en valeur de la nouvelle organisation du pôle par une communication large en direction de la population desservie et des partenaires ;
  • Construction d’un groupe de travail psychiatres-médecins généralistes destiné à jeter les bases d’un partenariat structuré ;
  • Actions de prévention, en articulation avec les partenaires dont la médecine de ville, afin de développer les alternatives à l’hospitalisation et de réduire la DMS et la DMH.

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